• Droit de réponse au Père Bernard Nougier

    En décembre 2015 paraissait dans le bulletin de la paroisse St Joseph au pays de Ligne un article du Père Bernard Nougier intitulé "L'association locale "le pied aux planches" prêche "La Décroyance" ".

    En voici quelques extraits :

    "Jean-Philippe SMADJA a su conjuguer les prouesses théâtrales et celles duconférencier pour conclure que Jésus de Nazareth, mis en cible avec quelques personnages notables comme Moïse, Bouddha et Mahomet, n'était finalement qu'un visage fantômatique, comme peuvent naître sous les vents imprévus de l'histoire d'étranges roses des sables dans le désert.

    [... l'écriture consonantique...] présentée comme de la glaise que chaque main peut transformer en objet seulement identifiable par celui qui l'a fait.

    [...] pour lui, les messages du Christ évoquent seulement, au nom du sexe, du pouvoir et de l'argent, une Eglise faillible et non son Evangile...

    [... son hypothèse...] représente pour lui la vérité, une pensée unique. ... Il y a des textes chrétiens qui prennent place dans les peuples juifs et grecs, citant les grands-prêtres du temple de Jérusalem et les gouverneurs romains dont témoignent les textes et l'archéologie.* ... s'ensuit un argumentaire autour de Paul de Tarse ...

    * NDA : Ne cite pas ses sources, et de plus, je ne vois pas le rapport

     

    Le texte du Père Nougier conclut :

    "J'aime sourire et rire mais je m'étonne grandement qu'on cherche à les susciter en mélangeant la vérité, l'approximation et ce que je considère comme des erreurs ou des mensonges, sous couvert d'une démarche prétendue scientifique. Je m'étonne, de plus, que David Muscella** fasse de l'athéisme proclamé le drapeau de l'Association "le Pied aux Planches" (sic !) que soutiennent, avec les mercis d'usage, les divers organismes publics de notre région."

    ** président de l'association Au-delà du Temps, qui programme le Pied aux Planches.

     

    Voici donc mon ...

    Droit de réponse à l’article de Bernard Nougier

     

    Je voudrais saluer l’ouverture d’esprit de Bernard Nougier, ex-père Nougier, pour être resté au bout des trois heures de spectacle La Décroyance, mais également pour avoir sollicité un entretien la semaine suivante. Nous nous sommes d’ailleurs séparés amicalement en déclarant que nos points de vue divergeaient. Classique…

     

    Je suis également flatté que le bulletin paroissial de décembre 2015 consacre une colonne entière à ce spectacle, autant que pour la prière du pape François ! 

     

    Je comprends que Bernard Nougier m’attaque sur le plan idéologique dans son article du bulletin paroissial. Je respecte sa conviction, mais je préfèrerais qu’elle n’entraîne pas de diffamation. Quelques exemples :

     

    Le message du Christ « Au nom du sexe, du pouvoir et de l’argent » ? Phrase à sensation, mais pur fantasme : je dis que les Evangiles, rédigées après +70, sont une réponse politique à la destruction du second Temple.

    L’Ancien Testament « de la glaise transformable » ? Je dis que cette œuvre est au contraire une synthèse de la connaissance à l’époque de sa conception. Un seul sens de lecture mais que sa forme littéraire –et les événements historiques- en a fait un objet interprétable à l’infini. Idem pour le Qoran.

     

    « Phobie des croyants » ? Je ne m’attaque pas un seul instant aux croyants, je questionne le mécanisme de la croyance. Je m’interroge et engage le doute, l’esprit critique. C’est mon métier d’historien, d’historien des religions.

     

    C’est ça qui nous sépare, Bernard Nougier et moi. Il croit et j’exerce un esprit critique.

     

    Lorsque je lis à mon encontre « pensée unique », mot-valise utilisé par les politiques pour défoncer son adversaire, ça me conforte dans mon opinion que politique et religieux sont étroitement mêlés. Il a bon dos, Bernard Nougier, de parler de pensée unique, avec une vie entière passée sous le dogme. Pour ma part, ma « lumière » est celle des faits et non des croyances. Alors, ça le dérange lorsque j’affirme, avec les précautions d’usage de l’historien :

     

    « A ce jour, l’existence des prophètes est une croyance et pas un fait ». A ce jour … affirmation peut-être révocable demain, mais pas au jour où vous lisez cet article. Même si ça vous heurte. Aussi profonde que soit votre conviction.

     

    Enfin, Bernard Nougier est virulent sur deux points qui me fâchent : mon honnêteté intellectuelle et celui de la laïcité. Sur ces deux aspects, Bernard Nougier est peut-être ex-père, mais certainement pas expert :

     

    Lorsque je lis que « Le Pied aux Planches » devrait garder une neutralité convictionnelle sous prétexte que la programmation est « [soutenue par] les divers organismes publics de notre région », j’observe de sa part une totale méconnaissance du principe de neutralité. Le principe de laïcité est réservé à l’autorité publique et non à un organisme de droit privé, même d’intérêt général, même soutenu par les pouvoirs publics.

     

    J’y décèle surtout un message politique adressé à nos élus locaux. Un message de censure et/ou de lobbying, jeu politique multiséculaire des religions, celui même que je dénonce dans mon spectacle.

     

    Bernard Nougier est un amateur de théâtre, je ne crois pas qu’il ait pensé à mal. Mais sa méconnaissance de la laïcité a engendré un dérapage idéologique, celui qui pourrait faire un jour crever cette action culturelle bienfaisante pour le territoire qu’est Le Pied aux Planches. 

     

     

    Concernant l’honnêteté intellectuelle de mon propos,  notamment la non-mention de Paul de Tarse et l’insoutenable ( !) remise en question de l’existence de Jésus (c’est marrant, par contre, que je dise la même chose de Buddha, Muhammad, Zarathoustra et Moïse, ça ne l’a pas choqué … un peu de solidarité interreligieuse, ce serait pas mal, non ?), voici quelques éléments de réponse :

     

     

    1/ Paul de Tarse n’est pas historiquement qualifiable. Sans entrer dans les détails, j’évoquerai simplement la datation des manuscrits (les premiers datent du IVe siècle), la mention ontologique du personnage (« Salutations, mes frères, que les Muses vous inspirent » ne font pas des Muses des personnages de l’Histoire), sans parler des probables corrections idéologiques de scribes postérieurs… corruptions de textes qui sont avérées pour les mentions de Jésus chez Flavius Josèphe ou Tacite.

     

    Loin de refléter une pensée solitaire, voici par exemple les conclusions d’un dossier de Science et Vie en 2006 « Jesus-Christ : ce que nous disent l’archéologie et l’Histoire ».


    Les textes non religieux sur Jésus ne dépassent guère l'allusion et les emplacements des lieux mentionnés dans le Nouveau Testament relèvent purement et simplement de l'imagination.
     

     

    "Malgré tous les efforts déployés pour l'en faire sortir et les quelques artefacts appelés à la rescousse, le personnage historique Jésus s'obstine à demeurer dans l'ombre." 

     

    En résumé, le Nouveau Testament est un texte voué à susciter la foi plus qu'à exposer une vérité historique. Tout son contenu est purement allégorique –en référence à l’Ancien Testament, puisque Jésus est censé « accomplir les écritures », ce qui d’ailleurs n’enlève rien à la puissance de ces textes que l’on peut qualifier d’Oulipien. 

     

    2/ Pour ma part, je trouve dommageable que les croyants ne s’attachent pas plus au message qu’à sa prétendue historicité (qui n’intéresse l’Eglise qu’à partir du IVe siècle, et le public qu’à partir du XVIIIe !!).

     

    Lorsque je lis « On ne voit bien qu’avec le cœur : l’essentiel est invisible pour les yeux » ou « Il faut bien que je supporte deux ou trois chenilles si je veux connaître les papillons», je peux en faire un principe philosophique sans pour autant défendre aveuglément, contre toute raison, qu’un petit garçon blond extraterrestre a réellement rencontré un aviateur dans le désert avant de mourir piqué par un serpent qui cause!

     

    Vous l’aurez compris, j’ai autant d’admiration pour ces textes que pour l’Iliade ou La disparition de Georges Perec. Des chef-d’œuvre littéraires. Par contre, en qualité de source historique, il vaut mieux les utiliser en suppositoire, et encore, pour enfant.

     

    De même, je suis favorable au partage, au dialogue, à la confrontation, à la contradiction, par contre, je défendrai bec et ongles la liberté d’expression théâtrale, aussi incommodante qu’elle paraisse, ainsi que l’expression de la laïcité, liberté de croire ou de ne pas croire, à égalité pour chaque citoyen. C’est la condition sine qua non pour vivre ensemble.

     

    A vos commentaires !

     

     

     

     

     

     


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